AVEC METHODE
C’est quoi lire une ville ?
Comprendre une ville ? La
saisir ?
La décrypter ? La rendre plus
réelle, plus vivante, plus visible ?
1
Savoir-décrire,
savoir-saisir, c’est-à-dire se rendre capable de poser des questions au monde
présent, visible, devant soi, palpable. Une ville c’est quoi ?
2
Une ville c’est
comme toutes les autres villes ? Une topographie, un climat, une Histoire,
un port si elle est au bord de mer ou de fleuve, des rues, des avenues, un
quartier, des quartiers, beaucoup de quartiers, un aéroport, des hôpitaux, des
cinémas, des théâtres, des jardins, une mairie, etc etc. Tous ces éléments sont
présents dans toutes les villes dites européennes. Et pourtant aucune d’entre
elles ne se ressemblent. Lisbonne n’est pas Paris, qui n’est pas Londres, qui
n’est pas etc. Toutes sont différentes avec pourtant les mêmes éléments
constitutifs.
3
Ce premier constat
est celui de ce qui est devant nous : la disposition de la ville. Tous les
éléments habituels sont bel et bien présents dans chaque ville. Ils sont bien
« déposés ». La disposition est respectée (répartition, placement, agencement, planification). Et
pourtant, aucune similitude. Pas la même place, pas la même proximité, pas le
même éloignement, pas la même disposition.
4
Le glissement.
Pour comprendre ce qui se passe, nous devons opérer un
glissement de la disposition vers le dispositif. Le dispositif d’une ville se
nourrit de ses failles, de ses erreurs, de ses difficultés. Des oppositions
binaires apparaissent, des plus simples aux plus compliquées. Ces oppositions,
ces articulations, bonnes ou mauvaises, se structurent entre elles pour
accorder à tel ou tel élément urbain du sens. On passe, on glisse de l’élément
qui fait sens au sens de l’élément. Les éléments dirigent, définissent,
construisent.
Prenons pour exemple un quartier,
Alfama, et son articulation au reste de la ville. Le quartier est là, les
entrées sont ici et là. Pourtant le quartier fonctionne sur lui-même, presque
replié sur lui, comme si les entrées du quartier, c’est-à-dire les
articulations avec le reste de la ville, n’étaient que de lointaines périphéries presque oubliées. Ces
articulations agissent alors en
protection… On est passé d’un élément d’articulation : large entrée du
quartier, à une articulation de protection : entrées camouflées,
insinuées, subreptices. Cela s’articule à minima, et cela s’articule pour se
protéger, pour se tenir à l’écart. De la disposition quartier-ville on est
passé à un dispositif de mise à l’écart, de mise à distance, de mise en scène
de l’absence de scène !!! Etonnant pour un des quartiers les plus
touristiques !!!
5
Le dispositif
d’une ville est donc la somme de tous les mécanismes qui s’insèrent dans les
failles, les interstices, les approximations de cette ville. Pourquoi telle rue ?
Pourquoi l’agencement de ? L’opposition de ? La répétition, la
similitude, la fermeture, l’ouverture, etc. etc. etc., toutes les formes et
contre-formes de la ville sont là. Savoir les saisir.
6
Si tout endroit
dans la ville est visible à l’œil nu, ce n’est pas pour autant qu’apparaissent
facilement les tenants et aboutissants de ces lieux. Il y a dans ce qui fait
« tenir debout» un morceau de ville, dans ce qui le structure plus,
bien plus que ce qui paraît aux premiers regards, là est la difficulté. Il
n’est jamais facile de saisir dans son ensemble une situation
« locale », d’en repérer les mécanismes, les oppositions, les récits,
d’en souligner l’influence des usages, les liens, ou d’en extraire la finalité
et d’en révéler ainsi le dispositif.
7
Comprendre,
interpréter un lieu et donc en donner une illustration c’est dépasser
l’explicite pour s’interroger sur l’implicite. De la disposition au dispositif.
Le parcours de ce qu’on croyait d’un lieu à ce qu’il est.
8
Le geste des
artistes en ville le permet. L’illustration, la représentation, la photographie
et tous les montages associés en donnent la pleine mesure. Tout peut être
proposé par les artistes, mais de par la pertinence et le sens proposés, seul
le lieu en décide.
9
Artistes,
architectes, paysagistes, journalistes, nous sommes confrontés à une grammaire
de la ville, avec ses règles propres, à une langue locale avec sa multitude
d’exceptions, ses effets de syntaxe ou de rhétorique. Toute la complexité d’une
ville.
Le
glissement de la disposition d’une ville à son dispositif paraît simple,
« élémentaire », compréhensible, pour ainsi dire facile à mettre en
œuvre ; la grammaire qui mène de l’un à l’autre est beaucoup moins
évidente à saisir.
L’image
et l’imaginaire même de la grammaire est difficile à envisager. Dessine-moi une
grammaire !
Afin d’évoquer certains éléments de
Lisbonne qui nous paraissent majeurs pour comprendre cette ville, nous avons
procédé ainsi. Méthode ou geste critique, peu importe, le résultat est là.
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